TEXTE DE

DOMINIQUE MARIN 

Corpus Naturae par Sabrina Ambre Biller

 VENUS D’ILLE

Non, Non, Mérimée n’a pas enfoui sa Vénus d’Ille sous les eaux du Têt des Pyrénées-Orientales. 

Non, Isis n’est pas parvenue à retrouver le phallus d’Osiris, son cher époux au corps démembré et noyé dans le Nil.

Une image suffit pour te défaire, littérature. 

Ses couleurs et ses formes indistinctes écrivent une histoire en fragments épars. L’obsession d’en recomposer l’ensemble m’éveille dans la froidure de la nuit qui se tient au bord de l’image, la dévore de la gauche vers la droite. Un trou noirci par la profondeur de l’eau ? Mon esprit, tu t’égares encore. Il n’y a pas d’eau, seulement des scintillements de minéraux incrustés dans quelques pierres, des galets peut-être. Mais elle a été là, l’eau, emportant feuillages rougis par l’automne ou blanchis par son écume, dessinant un tissu en patchwork sur la peau ou la pierre.

Le bruit des pas sur les galets de la rivière asséchée réveille les pierres. Leurs murmures graves chantent la course bruissante de l’eau en allée.

Pieds et mains nus, des hommes vont dans la rivière, scrutent lentement, prudents, face au torrent repoussant leur marche. Ils scrutent comme mon œil à présent les trous sombres, en sondent la profondeur, le regard distrait par l’éclat d’une pierre, le rougeoiement d’une feuille. Sans autre chant que celui de l’eau fuyante, ils avancent à la recherche d’une roche prometteuse d’un pas plus sûr, en quête d’une truite qu’il faut surprendre. Ils arpentent la rivière pour pêcher, se nourrir, survivre.

Littérature encore, peut-être.

Dès le début des temps, ils vont pas à pas, remontent son courant pour lire la rivière.

Lire ses tourbillons dans des trous avides de lumière et d’écume.

Lire les courbes dessinées par cette peau fuyante qui enveloppe la roche.

Lire la course d’un feuillage, d’un arbre mort démembré.

Lire la surprise du poisson fendant l’eau.

Et toujours avancer plus haut, vers là-bas où l’eau se fait plus abondante.

Lire leur destin.

Avant l’écriture, avant la parole, des hommes apprennent l’alphabet de la rivière.

Ils nomment le lit pour conjurer la crainte de l’eau furieuse.

Ils nomment le torrent pour parler de leur colère.

Ils nomment les bras pour féconder de plus vastes terres.

Ils nomment les bassins pour donner à Narcisse un visage.

Ils nomment les galets pour apprendre la caresse.

Ils nomment la rive pour rêver de repos.

Ils nomment la source pour raison de leur exil.

Ils nomment la soif insatiable d’embrasser le monde.

Ils nomment la femme pour assouvir le morcellement de leurs désirs.

TEXTE DE SANDY BERTHOMIEULUMIÈRE FLORALE CRÉATRICELes rayons solaires réchauffent l’écorce, l’épiderme et les délicates pétales de cette flore sauvage en pleine efflorescence. Au printemps, cette fleur jaune, pulpeuse et généreuse égaye les paysages encore assoupis...

TEXTE DE PATRICYAN CASTETS-ROBERT" Je pense que c'est la photo du ciel du jour de ma naissance, ma mère raconte que cette image d'une division en 4 parts, l'avait beaucoup étonnée !! " Je la comprends, et même si l'on est éloigné de la roue céleste, et de son habituel...

TEXTE DE VÉRONIQUE BROSCorps fondu Gorgé de vie Nu de désirs Ciel tranché Terre meuble Berceau humide et chaud Accueil du languissement charnel de la terre et du corps Je suis l'humus Je suis la terre Je suis l'arbre au dessus de moi Je suis le ciel, la nuit, le vent...

TEXTE DE MYRIAM OHREVENIRrevenir de ses rêves les plus fousde ses peurs les plus profondes,revenir des passions les plus dévorantesdes châtiments les plus insupportables,revenir d’aussi loinqu’on s’en souvientde l’injustice de l’abandon,de l’espoir du bonheur,des...

TEXTE DE FRÉDÉRICK DARCYClairières sensuellesD'une forêt ancienneEmbrasséeSur les sillons involontairesDe la vertigineuse spirale des existants.

TEXTE DE JULIETTE LOUBESSISILDepuis le début du temps j’attends Éclaboussée des saisons qui me parent Enveloppée de nuit Je rejoue l’éternité des fleurs et du feu Celle des ventres qui s’arrondissent Du lien frêle qui se tisse Des cicatrices d’un velours douloureux...

TEXTE DE .JACK ALANDATerre de nos vices – dans le creux de tes vallons ton désir ardent, souverain, si généreux, embrase et dissout le temps.

TEXTE DE MANUEL RAZAFINDRABE  20 20Lespugue, Laussel et Dolní Věstonice Ont longtemps célébré la rondeur de tes seins, L’arc de tes cuisses et la douceur de tes reins. Berceau archaïque de notre humanité, Ton ventre fécond a plusieurs fois engendré Des rêves...

TEXTE DE EVE CORNET  LA MUSE Un jeune homme a écrit un poème pour une fille qui fêtait ses seize ans : « Tel le dit Elohim, Eve naquit d’un(e) côte Et menée par la vie, sa jeunesse envolée A vivre ainsi sa vie elle fut amenée Sans que la vague pousse aux récifs de la...

TEXTE DE DAVID WICKER  Scarifié, sacrifié mais debout. Existence toujours vacillante qu’un seul battement met en route. Corps prêt à faillir, à s’échouer, à disparaître. Peut-être ? Abîme au bord duquel se dépose un temple de chairs en couleurs. Que cachent ces...

TEXTE DE ISAURE BOUSSEYROUX Sous des avalanches de brume, je m’indiffère Au Requiem grégorien et austère. La sphère Qui tourne comme un doux disque mécanique. Celui-ci accroche mes griffures cyniques. Là-haut sur le trépied de l’espérance Des scarifications exquises...

TEXTE DE NICOLAS BENDRIHEN La fleur qu’on a soufflée Se pose, hésite, s’envole à nouveau. Fin de l’été.

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TEXTE DE PASCALE DRIGUEZ * Car rien ne fait naufrage ou ne se plaît aux cendres. Et qui sait voir la terre aboutir à des fruits, Point ne l'émeut l'échec quoiqu'il ait tout perdu. Je suis née du fond du fleuve Amazone Avec les miens animaux et humains Les bras du...

TEXTE DE ANTOINE VETRO Je suis Raechel. Au village on m’appelle Doctoresse. À l’université, un professeur amoureux de moi, un vieux monsieur dont le corps, chaque matin, semblait s’être reconstitué dans le musée d’anatomie, faisait Shabbat et me disait, Ardente jeune...

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TEXTE DE CHRISTIAN PASTRE  ELLESource de tout physis des temps premiers force sans norme chair du monde Elle d’avant la distinction chair géante de roche et de feuille mère et fille fille et mère sainte herbe sœur granite Puissance forçant la vie désir emplissant les...

TEXTE DE JULIEN BRUN  « Un souffle s’envole Silence Errance Une caresse frivole » L’obscurité s’empare du ciel. Mes yeux se ferment. S’ouvre un monde invisible, peuplé de formes mouvantes, indécelables. Un monde empli d’offrandes, constellé de paradoxes où les mots...

TEXTE DE MARIE-LINE BIASON  ÇA SENT BON LA PLUIEDans ton ventre, ça sent bon la pluie. C’est extraordinaire cette odeur d’humidité fraîche qui se mêle aux souvenirs de la chaleur harassante qui s’évapore enfin, à l’ombre d’un instant qu’on n’attendait plus. Ça sent...